COP26 : ce qu'on a appris sur l'ampleur des changements climatiques depuis la COP25

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COP26 : ce qu'on a appris sur l'ampleur des changements climatiques depuis la COP25

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L'année 2021 a été marquée par des incendies géants, en Grèce notamment
L'année 2021 a été marquée par des incendies géants, en Grèce notamment
© AFP - ANGELOS TZORTZINIS

À 10 jours de la COP26 de Glasgow, nul ne sait si les dirigeants du monde accepteront de faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique. Pourtant, depuis la précédente COP, les catastrophes naturelles et les rapports sur le climat démontrent plus que jamais l'urgence d'agir.

14 décembre 2019, la COP25 se termine. Deux semaines de négociations à Madrid avec un slogan : "Time for action", qui s'est révélé à l'issue pour le moins inapproprié, compte tenu des résultats obtenus. Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres ne cache pas sa déception tant les engagements des pays ne sont pas à la hauteur de l'enjeu du réchauffement climatique. D'ailleurs, les nations n'ont pu s'accorder que sur la rédaction d'un texte présentant de bonnes intentions à prendre des mesures urgentes pour rattraper le retard pris pour respecter l'Accord de Paris sur le climat.

Ni les précédents rapports du Giec, ni les mobilisations des jeunes pour le climat, ni la multiplication des catastrophes qui portent la marque du dérèglement climatique, n'ont pu exercer une pression assez forte sur les dirigeants des quelque 200 pays réunis. Tous les regards sont désormais tournés vers cette COP26 à Glasgow, car entre les deux éditions, de nombreux rapports ont été publiés, montrant une dégradation plus rapide et importante de la situation climatique et écologique dans monde, et le besoin des nations d'agir réellement.

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L'alerte du Giec

C'est un appel à l'action lancé régulièrement depuis trente ans. Les experts climat du Giec ont publié en août dernier une première partie de leur sixième rapport (il sera dévoilé en intégralité en 2022). Incomplet, mais pas moins alarmiste sur la façon dont évolue le réchauffement climatique : plus vite et plus fortement. Le seuil de +1,5 degrés, contrairement à la dernière estimation de 2018, ne sera pas atteint en 2040 mais en 2030. Pire, si rien n'est fait activement, ce pourrait être l'échec de l'Accord de Paris, mobilisation historique de 2015, qui prévoit de limiter la montée des températures "bien en-deçà" de +2 degrés, et si possible à +1,5 degrés par rapport à l'ère pré-industrielle. Pour le Secrétaire général de l'ONU, ce rapport est "une alerte rouge pour l'humanité".

Canicules et inondations vont se multiplier. On l'a déjà vu cet été avec les grands incendies aux États-Unis, en Grèce et en Turquie, les vagues de chaleurs historiques au Canada et en Sibérie, ou encore les inondations dramatiques en Allemagne et en Chine. Ces évènements extrêmes vont "s'intensifier", soulignait sur France Inter le climatologue et ancien vice-président du Giec, Jean Jouzel, en août dernier, "et en plus on parle de combinaison d'évènements extrêmes, comme vague de chaleur et canicule en même temps". Les experts sont très clairs : l'humanité est à la fois la responsable des dérèglements climatiques et la solution à ces problèmes. Le Giec fait figure d'autorité à chaque publication de rapport, avec à la clé un potentiel effet d'électrochoc. Le précédent avait été publié en 2014, soit un an avant la COP21. ONG et observateurs espèrent que l'histoire se répètera cette année, pour que de véritables engagements soient enfin pris, après six années de quasi immobilisme. 

Des records de température

Dès début 2020, soit seulement un mois après la COP25, le service européen Copernicus lance une alerte : ce mois de janvier 2020 est le plus chaud jamais enregistré sur la planète, avec une température moyenne supérieure de 0,03 degrés à celle du précédent record datant de janvier 2016. L'année 2019 qui vient de s'écouler d'ailleurs est la deuxième plus chaude jamais enregistrée. Le constat confirme les estimations des scientifiques qui prévoient une augmentation des températures de +4 à +5 degrés d'ici 2100 si rien n'est fait.

Un an plus tard, en janvier 2021, Copernicus confirme la tendance. La décennie 2011-2020 est la plus chaude jamais répertoriée, et 2020 bat tous les records : année la plus chaude à égalité avec 2016, et record de températures en Europe. Comparé à la période préindustrielle (1850-1900), il a fait environ 1,25 degrés plus chaud. Le chiffre le plus inquiétant concerne l'Arctique et la Sibérie : dans ces régions, la température a été supérieure de 6 degrés par rapport à la normale, avec des conséquences majeures sur la fonte de la calotte glacière. Il a notamment fait 38 degrés à Verkhoïansk, du jamais vu.

Mais il n'y a pas que l'atmosphère qui est concernée : plusieurs études publiées en 2020 et 2021 ont également révélé que jamais les océans n'ont été aussi chauds, mettant non seulement en péril les écosystèmes marins mais jouant tout autant sur la dégradation du climat.

Fonte des glace et menace sur la biodiversité

Le dérèglement climatique est la première menace au Patrimoine mondial naturel, nous dit un rapport publié en décembre 2020 par l'Union internationale pour la conservation de la nature. Un tiers des 252 sites naturels du Patrimoine mondial sont concernés, en particulier la Grande barrière de corail. Un constat confirmé et précisé en ce mois d'octobre 2021 par le Programme des Nations Unies pour l'environnement. On apprend dans leur dernier rapport qu'entre 2009 et 2018, 14% des récifs coralliens ont disparu, en raison de l'augmentation continue de la température des océans.

En septembre 2021, c'est le niveau de glace de l'Arctique qui est au centre des attentions. Le rapport Copernicus sur l'état des océans montre qu'il est au niveau le plus bas jamais constaté. Entre 1979 et 2020, l'Arctique a perdu l'équivalent de six fois la taille de l'Allemagne en superficie. De façon générale, la fonte des glace, conséquence du réchauffement climatique, est responsable d'une élévation du niveau des mers de plus de trois millimètres par an. Avec à la clé : disparitions et migrations d'espèces animales. Les prévisions de l'UICN sont sans appel : 25% des espèces mondiales pourraient disparaître d'ici 2050.

Pas de répit avec la pandémie

Les confinements partout sur la planète ont mis la plupart des activités humaines à l'arrêt, mais avec finalement peu d'effets sur le climat. Dans un rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement, publié en décembre 2020, le constat suivant est posé : la baisse des émissions de dioxyde de carbone pendant l'année de confinements a été de 7% (un record !) n'a pas eu d'effet suffisants pour inverser ne serait-ce que temporairement la courbe. Une étude publiée par la revue Nature Climate Change quelques mois plus tôt, qui donnait déjà ce chiffre, estimait qu'il faudrait un confinement mondial par an jusqu'à 2030 pour atteindre l'objectif d'une limitation du réchauffement climatique à +1,5 degrés.

En revanche, "une reprise verte à la suite de la pandémie", explique le PNUE, pourrait "p_ermettre aux niveaux d’émissions prévus pour 2030 de se rapprocher des niveaux nécessaires pour atteindre l'objectif d’un réchauffement à 2 degrés._" Mais cela semble mal parti : entre 2010 et 2030, selon les experts de l'ONU, les émissions mondiales devraient avoir augmenté de 16%.

"Si les gouvernements investissent dans l’action climatique dans le cadre de la reprise de la pandémie et s'ils renforcent leurs engagements pour viser zéro émission nette lors de la prochaine réunion sur le climat, les niveaux d’émission peuvent se rapprocher des seuils globalement compatibles avec l’objectif qui consiste à limiter le réchauffement à 2 degrés."

Des conditions diplomatiques enfin réunies ?

Les catastrophes naturelles partout dans le monde ont-elles enfin convaincu les pays d'agir ? Peu de pays, notamment les plus grands et les plus pollueurs, ont été épargnés ces dernières années par des incendies ou des inondations, mais beaucoup laissent encore planer le doute quant à une prise d'engagements forts lors de la prochaine COP. Cet été, l'ONU s'est agacée de voir que seulement 113 pays (qui représentent 49% des émissions mondiales) avaient présenté des engagements révisés. Depuis, au dernier décompte, 144 pays (qui représentent plus de la moitié des émissions mondiales) ont soumis des plans révisés. Un prochain point aura d'ailleurs lieu le 25 octobre prochain et on attend toujours les contributions de la Chine, l'Inde et l'Arabie Saoudite. 

Parmi les pays moteurs, il faut souligner le retour des États-Unis impulsé par Joe Biden. Contrairement à son prédécesseur, Donald Trump, le président américain présente depuis son arrivée de grandes ambitions pour son pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec un effet boule de neige sur d'autres pays. Le Canada, le Japon et la Corée du Sud ont pris cette année des engagements du même ordre. L'Union européenne n'est plus seule à tenter de convaincre d'autres nations que des actions rapides doivent être mises en place. En juin dernier, sous l'impulsion du Premier ministre britannique, Boris Johnson, le G7, à défaut d'avoir réussi à s'entendre sur des engagements forts, s'est accordé à ne plus financer de nouvelles centrales à charbon à l'étranger d'ici la fin de l'année. 

Mais quid du G20 ? La semaine dernière, la Russie a fait un pas en avant en annonçant un abandon progressif du charbon, avec un objectif précisé par Vladimir Poutine : près de 80% d'émissions en moins d'ici 2050. Mais elle ne fera pas le déplacement à Glasgow. Le mois dernier, l'Inde, à travers le Quad (l'alliance avec les Etats-Unis, le Japon et l'Australie), a promis des décisions "ambitieuses", sans dire lesquelles. Mais l'Inde n'a pas encore assuré l'ONU de sa venue à la COP26. Ni l'Arabie Saoudite, et encore moins la Chine, pays responsable de plus d'un quart des émissions de CO2 dans le monde.

Le président chinois Xi Jinping est sur une ligne de crête. D'un côté, il lance des signaux forts : en annonçant il y a quelques jours qu'il ne financera plus de centrales à charbon à l'étranger, mais aussi plus généralement qu'il investit massivement dans les énergies renouvelables, avec récemment le lancement des travaux pour un parc éolien et photovoltaïque géant. Il avait même annoncé l'année dernière l'objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2060 à la surprise de tout le monde. De l'autre, comme précisé le mois dernier, il autorise à la fois les importations de charbon depuis l'Australie et relance sa production. Sans l'implication réelle de la Chine à cette COP26, même en cas de mobilisation réussie des dirigeants, il sera illusoire de parler de victoire pour le climat. 

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