Six conseils simples pour transmettre des valeurs féministes

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Six conseils simples pour transmettre des valeurs féministes

Eduquer vers le féminisme
Eduquer vers le féminisme
© Getty - Thanasis Zovoilis

Voici quelques pistes de réflexion et conseils de spécialistes pour donner une éducation qui laisse leur pleine place aux femmes.

Invités de l'émission Barbatruc de Dorothée Barba, la journaliste Titiou Lecoq, l'autrice Hélène Cohen, et le blogueur Tristan Champion ont donné quelques pistes pour donner aux enfants une éducation affranchie des stéréotypes sexistes.

1- Inciter à se poser des questions, et faire prendre conscience 

Titiou Lecoq : "Dans la cour d'école, des études de géographes ont montré que les filles étaient sur les côtés de la cour et que les garçons monopolisaient le centre. C'est quelque chose dont il faut parler avec nos enfants. 

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Dès qu'ils en ont conscience, ils peuvent décider de réagir et de s'organiser pour faire les choses autrement. 

Éduquer au féminisme est moins une question de conviction que d'outils intellectuels. En tant que parent, j’essaye de transmettre un regard sur le monde qui interroge des évidences, notamment d'ordre biologique, sur les différences entre les hommes et les femmes." 

2- Expliquer, et relativiser, le bleu et le rose 

Titiou Lecoq : "Il existe une sorte de "coût social du rose" pour les garçons. Grosso modo, envoyer une petite fille avec un T-shirt bleu à l'école ne posera pas de problème. Envoyer un petit garçon avec un T-shirt rose pose dès la maternelle des problèmes. Ce qui est associé aux garçons est valorisant pour les filles et ce qui est associé aux filles est dévalorisant pour un garçon." 

Titiou Lecoq ajoute qu'"assez vite, les enfants aiment les choses de la couleur qui leur est attribuée par le marketing. Mais on peut leur expliquer qu’avant, c'était l'inverse. Le bleu était la couleur des filles, car tout le monde connaissait les tableaux de la Vierge Marie souvent représentée avec cette couleur. Et le rouge était plutôt la couleur des hommes. C’était synonyme de sang, celui des champs de bataille. Ce n’est qu’au XIXe ou XXe siècle que l’on a inversé le code couleur. Expliquer revient à dire à son enfant que les choses peuvent changer, qu'elles ne sont pas figées. 

Et puis, il faut relativiser. Les enfants évoluent. Petite, j'étais obsédé par Barbie. Cela ne m'a pas empêché de lire les livres de Simone de Beauvoir à l’adolescence, ni d’avoir un engagement féministe. Donc si sa fille ne s’intéresse qu’aux poupées, ce n'est pas très grave. L'important est qu'on lui offre autre chose. C’est notre marge d'action." 

3 - Changer les représentations en lisant 

Hélène Cohen : "Cendron était un jeune homme dont les frères sont obsédés par les robes, les toilettes, les perruques, les jolies chaussures, etc. Flocons et les sept naines, Jacqueline et le haricot magique, Le beau et la bête, Le prince aux petits pois… Ce sont les personnages du Bel au bois dormant. 

On a traduit un livre de contes de Karrie Fransman et Jonathan Plackett où les genres sont inversés. Ce n'est pas sacrilège, mais plutôt vivifiant. 

Il ne s'agit pas d'annuler, ni de censurer les contes originaux, mais de s'amuser avec. Cette inversion des rôles permet aussi de réfléchir à la façon dont ils façonnent les imaginaires des enfants et leurs représentations. Réécrire ces contes montre que le conte d'origine est sexiste, et offre un contrepoint." 

Tristan Champion : "En Norvège, ce sont les aventures de Fifi Brindacier qui ont joué un rôle immense dans l’entreprise de démolition du sexisme. Ce livre date des années 50, juste après la Seconde Guerre mondiale. Il a façonné 70 ans de féminisme. 

Raconter aux petites filles et aux petits garçons les aventures d’une héroïne inverse les rapports de force. Ce livre est très ludique, et il compense avec le reste de la littérature qui met en scène surtout des garçons.  

On peut aussi changer l’image de la femme avec le sport. Dans les pays nordiques, 70% des médailles olympiques sont obtenues par les femmes et 30% par les hommes, alors que chez nous, c'est l'inverse. A la télé norvégienne, on voit donc surtout des exploits sportifs féminins, qui ont valeur d’exemples."  

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4 - Envisager le congé parental autrement

Tristan Champion : "En Norvège, les congés paternité sont très longs : un, deux, trois ou quatre mois.  

Mais surtout, les pères sont incités à prendre en charge seuls leur enfant.  

On leur attribue dix mois de congés à partager avec leur compagne, mais c'est souvent l'un après l'autre. Le deuxième parent, souvent le père, prend le relais du premier parent, le plus souvent la mère. 

J'étais un petit peu réticent. Ce n'était pas dans mes codes de m'arrêter si longtemps pour m'occuper de mon enfant. Mais ça m'a plu. L’idée est que le père prenne ses responsabilités et ne soit pas copilote de l'éducation, comme c’est souvent le cas.  

Quand j'ai pris mes cinq mois de congé paternité seul, j'ai absorbé toute la charge mentale de ma compagne. 

Elle a eu le contrecoup inverse : elle a dû apprendre à lâcher prise, et ne plus être tout le temps dans le contrôle de l'éducation des enfants.

Et ça nous a fait un bien énorme à tous les deux." 

5- Admettre que l'enfant n'est pas hors sol 

Titiou Lecoq : "Plus le temps passe, plus on se rend compte que notre pouvoir d'influence est finalement assez limité. Et il faut tout un village pour élever un enfant, et toute une structure comme l'Éducation nationale aussi, qui n'est pas toujours en accord avec ce que l'on peut dire à la maison. Plus le temps passe, plus j'admets que les enfants sont influencés aussi par leurs amis, par les rencontres, et tout un tas de choses autour d'eux… Il n'y a pas une voie unique. Il faut faire confiance." 

6 - Militer pour changer le personnel qui s’occupe des enfants à la crèche ou à l’école 

Tristan Champion : "Le féminisme moderne en Norvège arrête de regarder seulement le prisme de la représentation des femmes à travers des quotas de femmes présentes dans des lieux assimilés à ceux du pouvoir. Mais il s'interroge aussi sur les endroits où les hommes sont sous-représentés, et comment cette sous-représentation peut créer un biais dans l'éducation.

Typiquement, il n'y a pas d'hommes dans la crèche. Donc, les petits garçons ne se projettent pas dans ce genre de métier. 

L'Etat a donné son feu vert pour autoriser des quotas d'hommes parmi le personnel des écoles maternelles. 

30% du personnel du jardin d'enfants de mon enfant était masculin.  

Pour le père, le message est très fort. On laisse notre enfant à d'autres hommes. Cela m'a aidé à me rapprocher du personnel enseignant et à être beaucoup plus impliqué dans l'éducation de mes enfants." 

Et aussi  

ECOUTER | Barbatruc sur l'éducation au féminisme 

Avec : 

  • Titiou Lecoq, journaliste et autrice. Elle a publié en 2021 Les grandes oubliées, pourquoi l'histoire a effacé les femmes, un ouvrage préfacé par l'historienne Michelle Perrot, aux éditions de l'Iconoclaste. Elle est aussi l'autrice, entre autres, de Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale (Fayard, 2014) ou encore du roman Les Morues (Au Diable Vauvert, 2011). 
  • Tristan Champion, blogueur et auteur de La barbe et le biberon (Marabout, 2020), le récit de son congé paternité de 5 mois en Norvège. Partisan de l'allongement du congé paternité et défenseur du modèle nordique, il écrit régulièrement sur son expérience de père sur son blog Barbapapa
  • Hélène Cohen, traductrice. Elle a traduit avec Marguerite Capelle l'ouvrage Le Bel au bois dormant (Stock, 2021). Ecrit et illustré par Jonathan Plackett et Karrie Fransman, il s'agit d'un recueil de contes célèbres (la Belle et la Bête, le Petit chaperon rouge...) où les genres des personnages sont inversés.
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